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Les "margimots", ces mots en marge qui nous étonnent : autour du mot "énergie"

Dernière mise à jour : 14 janv.


Phrases portant sur la langue française et illustrations.
Orthographe ? Prononciation ? Genre ? Origine ? Sens ?

L'orthographe sens dessus dessous est-elle correcte ? Comment prononcez-vous le mot pneu ? Tentacule : féminin ou masculin ? Seriez-vous d'accord pour prendre un mocktail ? Quel rapport entre le trampoline et une échasse ? Sauriez-vous citer au moins six des douze travaux d'Hercule ? Irruption ou éruption ? Pourquoi l'origine du mot esclave est-elle surprenante ? Quel est le cri du coucou ? Comment prononcez-vous le nom de la ville de Wimereux dans le Pas-de-Calais ?

En tournant autour du mot énergie, terme du moment, explorons l'univers étrange des mots en marge : origine, orthographe, prononciation, genre, âge, ressemblances, sens, etc. Intéressons-nous à leur aspect, à leur vie, à leur histoire. Ils nous réservent bien des surprises et n'ont pas fini de nous en apprendre sur nous-mêmes et sur le monde qui nous entoure.

Remarque : si vous le souhaitez, vous pouvez écouter la version enregistrée de cet article grâce au podcast « Les mots, les remèdes » en cliquant sur le lecteur ci-dessous. L'ensemble des épisodes est disponible dans la rubrique « Podcast » du menu ou bien ici.



Bizarres, bizarres !

Des mots étranges par leur orthographe, leur prononciation ou leur étymologie.


1. L’orthographe de l’expression sens dessus dessous. Une personne est sens dessus dessous lorsqu’elle est sous le coup d’une émotion forte ; un lieu est sens dessus dessous lorsqu’il est dans le plus complet désordre. Mais dans les deux cas, le terme sens s’écrit avec un e, non avec un a. J'en suis toute retournée !


On écrit sens dessus dessous avec un -e à sens


2. Attention à la prononciation du mot pneu : on dit bien « pneu » en une syllabe et non

« peuneu » comme on l’entend très souvent.

S’agissant de prononciation, il est plus élégant de dire les bonnes moeurs, de moeurs légères, la brigade des moeurs, les moeurs contemporaines sans prononcer le -s final (faire rimer avec bonheur plutôt qu'avec nurse).


3. Une étymologie étrange, celle de l’adjectif jovial qui signifie aujourd’hui « gai, rieur, heureux ». Or, cet adjectif n’a rien à voir avec la joie au départ. Il est issu de l’italien giovale qui veut dire « né sous le signe de Jupiter », c’est-à-dire promis à une heureuse destinée. C’est probablement sous l’influence du mot joie qu’il a pris le sens de « joyeux ».


Mauvais genre !


Masculin ? Féminin ? Franchement, concernant certains mots, nous ne savons jamais à quel genre les mettre.

On dit un insigne et un tentacule.

On dit une arabesque et une ecchymose (mot à l’orthographe bizarre qui aurait pu faire partie de la première rubrique : ecchymose vient du grec egkhumôsis, de ekkhêin,

« s’écouler »).


Par exemple :

- Pourquoi ce marin porte-t-il à sa veste un insigne dont le dessin central représente une arabesque ?

- C’est une décoration pour le récompenser de sa bravoure. Cette arabesque évoque le gros tentacule de la pieuvre géante qui menaçait son embarcation et qu’il a coupé avec une énergie incroyable, sans même une ecchymose !


Un insigne, un tentacule, une arabesque, une ecchymose


Mes aïeux, encore un nouveau-né !

Donnons une seconde jeunesse aux mots que l'on a mis un peu trop tôt à la retraite ; aidons aussi les nouveaux venus à grandir.



1. Vison-visu signifie « en vis-à-vis de l’autre » et torche-lorgne s’employait à une époque pour signifier « à tort et à travers ».


Exemple : « Le marin et la pieuvre géante se sont retrouvés vison-visu. L’homme, avec l’énergie du désespoir, s’est mis à frapper torche-lorgne sur le monstre et a fini par couper son tentacule menaçant.»


Oui, mes exemples méritent votre indulgence ! Pourquoi cette pieuvre géante ? Un mélange de tentacule évidemment et de réminiscences de lectures inoubliables sans doute : Les Travailleurs de la mer, Moby Dick ou Vingt Mille Lieues sous les mers.


2. Accueillons le mot mocktail : il désigne un cocktail sans alcool.


Je ne résiste pas à l’envie de rappeler que le mot cocktail signifie « queue du coq ». Quel rapport avec la boisson ? Âmes sensibles, passez votre chemin ! Sur les champs de course au XVIIIè siècle, on coupait un muscle de la queue du cheval pour qu’elle se redresse à la manière de celle d’un coq : cette pratique concernait des chevaux de trait, jamais des pur-sang. Par extension, le cocktail a donc ensuite désigné un certain nombre de mélanges : mélanges de classes sociales, d’origines, de comportements, moeurs (à prononcer sans faire entendre le -s final, vous vous souvenez) douteuses. Désormais, il qualifie une boisson faite de différents ingrédients.


Accueillons également le verbe s’enjailler qui nous vient de Côte d’Ivoire. S’enjailler, c’est faire la fête, s’amuser.


Vison-visu, torche-lorgne, mocktail, s'enjailler


C’est du propre !


Penchons-nous sur ces noms propres entrés dans le langage commun.

1. Puisque nous consacrons actuellement les articles de ce blog et les épisodes du podcast

« Les mots, les remèdes » au mot énergie, attardons-nous un moment sur l’olympisme, cette philosophie des Jeux olympiques, un terme choisi par Pierre de Coubertin en référence directe à l’Olympe de la Grèce antique. Quelles belles démonstrations d’énergie physique aussi bien que morale, en effet, durant ces jeux sportifs de renommée mondiale !


Les jeux olympiques antiques sont des concours sportifs organisés tous les quatre ans entre les cités grecques. Ils sont créés au cours du VIIIè siècle avant J.C dans le cadre d’un festival religieux qui honore le Zeus olympien dans le temple d’Olympie, centre religieux et artistique important dans l’Antiquité. Vers 436 avant J.C, Phidias y sculpte la statue de Zeus olympien considérée comme l’une des Sept Merveilles du monde. Elle mesurait plus de dix mètres. Chryséléphantine, elle était composée d’or (khrusos en grec) et d’ivoire (elephantos en grec).


Les jeux olympiques antiques perdurent pendant plus de mille ans. En 393 après J.C., sous le règne de l’empereur Théodose Ier, alors que le christianisme est devenu religion d’État, les jeux, jugés immoraux et condamnés pour leur origine païenne, sont interdits.


Au XIXè siècle, des recherches archéologiques sur le site antique mettent à jour le stade, le gymnase (qui servait à l’entraînement des athlètes) et plusieurs autres bâtiments. Le baron Pierre de Coubertin (1863 - 1937), passionné par ces fouilles, décide de redonner vie à la tradition des jeux sportifs antiques. Le Comité international olympique (CIO) est créé en 1896. L’olympisme devient une philosophie de vie s’appuyant sur l’équilibre entre les qualités du corps, de la volonté et de l’esprit.


L'olympisme, philosophie des jeux olympiques, doit son nom à l'Olympe antique


2. Pour conclure cette rubrique consacrée aux noms propres devenus communs, restons quelques instants encore dans le domaine sportif.


Savez-vous par exemple que le trampoline, discipline olympique depuis les jeux de Sydney en 2000, doit sans doute son nom aux frères italiens trapézistes Trampoline, dans les années 1930. Ils utilisaient le rebond de leur filet de protection pour effectuer certaines de leurs acrobaties. Peut-être leur nom était-il un nom de scène. Trampoline a la même origine que tremplin : les deux termes viennent du germanique trampolo qui signifie « échasse ».


L’axel, saut en patinage artistique, tire son nom du prénom de son inventeur, Axel Paulsen, patineur norvégien (1855 - 1938).


Le fosbury, technique de saut en hauteur, doit son nom à Dick Fosbury qui l’inaugura aux jeux olympiques de Mexico en 1968.


Le télémark, virage à ski en fente avant prononcée, c’est-à-dire avec un genou à terre, est une référence au comté de Norvège ainsi appelé.


Enfin, en alpinisme, la varappe qui consiste à escalader une paroi abrupte, tire son nom de la Grande Varappe, couloir rocheux du mont Salève près de Genève.


Trampoline, axel, fosbury, télémark, varappe


Phrases autour de la langue française et illustrations.
Héritage antique ? Paronymes ? Sens ? Pléonasme ?




De l’antique qui ne fait pas toc


Nous conservons dans la langue française bien des expressions et des citations d'origine latine ou grecque. Elles peuplent notre quotidien et prouvent bien que ni le latin ni le grec ancien ne peuvent être considérés comme des langues mortes. En outre, certaines expressions, certains termes français sont directement issus des mythes et légendes de l'Antiquité.

1. Faire un travail d’Hercule, c’est réaliser une tâche démesurée qui demande une énergie considérable et beaucoup de détermination. Hercule (Héraclès chez les Grecs) que l’on tient d’ailleurs parfois pour responsable, dans certains mythes, de la création des jeux olympiques antiques dont je viens de parler, est surtout connu pour ses douze travaux. C’est le roi Eurysthée qui les lui impose pour lui faire expier le meurtre de sa propre épouse, Mégara, sous l’emprise d’un moment de folie. Fils de Zeus et d’une mortelle, Alcmène, il se caractérise par sa force surhumaine qui lui permet, par exemple, dès le berceau d’étrangler deux serpents envoyés par Héra, la femme de Zeus, l’éternelle jalouse.

Retrouverez-vous les douze travaux qu’il doit accomplir ? Étouffer le lion de Némée, tuer l’hydre de Lerne, rapporter vivant le gigantesque sanglier d’Érymanthe, capturer la biche de Cérynie, nettoyer les écuries d’Augias, tuer les oiseaux du lac Stymphale, dompter le taureau du roi de Crète, Minos, capturer les juments mangeuses d'hommes de Diomède, rapporter la ceinture de la reine des Amazones, vaincre le géant Géryon, rapporter les pommes du jardin des Hespérides, enchaîner Cerbère, le chien des Enfers. Manquant d’ouvrage sans doute, il a aussi effectué des travaux mineurs, aplanissant des montagnes, assainissant des marais, ouvrant des chemins, faisant partie des Argonautes menés par Jason pour conquérir la Toison d’or.


2. Puisque nous en sommes aux travaux qui demandent beaucoup d’énergie pour être effectués, mentionnons aussi l’expression faire un travail de titan, c’est-à-dire un travail très difficile et de grande ampleur. Les douze Titans, enfants d’Ouranos (le Ciel) et de Gaia (la Terre), sont les dieux les plus anciens de la mythologie grecque. Au royaume des Titans, les querelles de famille prennent des allures de big bang. Les Titans régnèrent à la place de leur père Ouranos après s’être révoltés contre lui. Cronos, maître du temps, dévora tous ses enfants de peur qu’ils ne prennent sa place sur le trône. Mais le plus jeune de ses fils, Zeus, en réchappa et fit boire une potion à son père : ce dernier régurgita les frères et soeurs de Zeus. Commença alors une terrible bataille entre les dieux et les Titans. Ces derniers finirent par perdre et furent précipités au fond du Tartare, lieu de châtiment des grands coupables aux Enfers. Lors de l’affrontement qui dura dix ans, les Titans voulurent attaquer Zeus dans la montagne où il s’était réfugié : qu’à cela ne tienne, ils empilèrent les trois plus hautes montagnes de Grèce, l’Olympe, l’Ossa et le Pélion. Tout Titans qu’ils étaient, ce fut un travail difficile, colossal, titanesque.


3. Parmi les expressions latines qui sont restées telles quelles dans la langue française actuelle : sursum corda se traduit par « haut les coeurs ! ». L’expression, d’origine religieuse, veut dire textuellement « élevons nos coeurs ». Elle sert à redonner de l’énergie à un groupe dans une situation difficile, à galvaniser les troupes. C’est d’ailleurs la devise du 40è Régiment d’Artillerie de l’armée française.


Un travail herculéen, un travail de titan, sursum corda


Du pareil au même ou presque !

Vous l'avez deviné : cette rubrique nous permet d'évoquer ensemble un couple d'homonymes et un couple de paronymes qui peuvent quelquefois être sources d'erreurs.


1. Distinguons les homonymes près et prêt.


Près de est une locution prépositionnelle qui signifie « sur le point de ».

Ex : Il est près de franchir le pas.

Prêt (prête au féminin) est un adjectif : suivi de la préposition à, il veut dire « disposé.e à ».

Ex : Il est prêt à agir efficacement.

En somme, lorsque quelqu’un est près de faire quelque chose, c’est qu’il n’est pas encore tout à fait prêt à le faire.


2. Ne confondons pas irruption et éruption.

Une irruption est une entrée soudaine alors qu’une éruption est une sortie subite, rapide. Dans les deux cas, il y a mouvement brusque, jaillissement, mais l’irruption se fait de l’extérieur vers l’intérieur (du latin in-, « dans » et rumpere, « rompre ») et l’éruption de l’intérieur vers l’extérieur (du latin, ex-, « hors de » et rumpere, « rompre »).


Ex : La foule a fait irruption dans la salle.

Le volcan est entré en éruption.


Près ou prêt ? Irruption ou éruption ?


Oups, leur sens a glissé !


Ah, ces mots dont le sens a changé ou qui possèdent encore des significations que l'on ne trouve plus guère que dans les dictionnaires, ou bien employées par quelques spécialistes !

1. Le courage (de l’ancien français cuer, « coeur »), synonyme possible du mot énergie, a longtemps signifié « sentiment, affection, passion » avant de désigner aujourd’hui l’énergie et la force morale face au danger. Ainsi, au XVIIè siècle chez des auteurs tels que Jean Racine ou Pierre Corneille, trouve-t-on des expressions comme « les courages timides », c’est-à-dire les sentiments qui n’osent s’exprimer ou « Que tu pénètres mal le fond de mon courage ! », c’est-à-dire « Que tu comprends mal ce qui m’anime, ce qui motive mes sentiments ! ».


2. Être énervé, c’est d’abord avoir subi le supplice de l’énervation - sur lequel je ne m’attarderai pas - , « ne plus avoir de nerfs ». L’expression a ensuite signifié « être affaibli », pour se traduire aujourd’hui par le sens contraire, « être excité, agacé » !

Autres exemples de glissements de sens vers l’extrême inverse : tuer, c’est initialement

« protéger » (!), du latin tutari (voir le mot tuteur, de la même famille, qui a gardé son sens de « protecteur, guide »). Végéter, c’est d’abord « donner la vie » : du latin vegetare, d’une racine indo-européenne *veg-, *vig-, « la vie ». Le nom propre Slave veut dire « illustre » dans les langues slaves ; en Occident, il est devenu slave en anglais, esclave en français : quelle décadence !


3. La passion a d’abord un sens exclusivement péjoratif. Du latin pati, « souffrir », issu de la même racine que le grec pathos, que l’on retrouve dans le mot français pathologie par exemple, la passion a longtemps désigné la souffrance physique puis morale. Ce n’est qu’en français moderne que le terme a pris une connotation positive désignant l’activité à laquelle on se consacre avec plaisir et énergie.


Courage, énervé, passion : des mots dont le sens initial surprend ...


En vrac !


Cette dernière rubrique fait office de fourre-tout. Tous azimuts, en vrac, pêle-mêle, quelques remarques encore sur quelques mots ... pour la route.

1. Évitons les pléonasmes dans le langage courant. Le pléonasme consiste à créer une répétition inutile en ajoutant un mot à un autre. Lorsqu’il est voulu, le pléonasme devient humoristique ou littéraire, mais dans notre quotidien, il constitue une maladresse, voire une lourdeur. Quelques exemples courants de pléonasmes : descendre en bas, ajouter en plus,actuellement encours, s’approcher près de, s’avérer vrai, très exactement, un monopole exclusif, voire même, etc.


Pléonasme, du grec pleonasmos, « surabondance, excès »

2. Les animaux qui nous entourent mettent souvent beaucoup d’énergie à pousser leur cri : la chauve-souris grince ; le chien aboie certes, mais parfois il hurle ; le coucou coucoule ; le cygne trompette ; la mouette rit ; l’oie criaille ; le paon braille ; la perdrix cacabe ; la poule glousse ou caquette ; la sauterelle stridule ; la souris chicote.


3. Les Québécois emploient parfois le mot énergie au pluriel : « Avez-vous mis toutes les énergies qu’il fallait ? ».

Pour nos amis belges, un enfant jouette est un enfant joueur.

En Suisse, le cheni désigne le « désordre ».

Dans le Midi de la France, bouléguer, c’est s’agiter, ne pas se tenir tranquille.


4. La peur de la montagne se nomme l’orophobie.


5. Petit exercice de prononciation pour terminer.

Les habitants des villes suivantes apprécient que l’on prononce comme eux le nom de leur lieu de vie : Anvers (anvèrs), Asnières (anyèr), Auxerre (ossèr), Bourg-en-Bresse (bourkanbrès), Bruxelles (brussèl), Caen (kan), Carpentras (-tra), Coutras (-tra), Condom (kondon), Corte (korté), Craon (kran), Enghien-les-Bains (anguin-), Gérardmer (jérarmé), Laon (lan), Longwy (lonwi), Lons-le-Saunier (lon-le-sonyé), Maastricht (mâstrik), Metz (mès'), Millau (miyo), Montrichard (montrichar), Oyonnax (o-yona), Pankow (pan'ko), Riom (ryon), Rosny (roni), Sainte-Menehould (-menou), Saint-Ouen (-win), Waterloo (watèrlo), Wimereux (uimreu).


Cris des animaux, francophonie, orophobie et prononciation de noms de villes ...

Dans deux semaines, un nouvel article sur les margimots : pour être à la page avec les mots en marge !


Quel incroyable tour d'horizon ! Pour peu qu'on s'y intéresse, les mots en marge ont beaucoup à nous dire et fournissent l'occasion d'un joli voyage ! Souvenons-nous de ce que nous avons appris et, grâce à eux, parlons bien, parlons mieux dans les jours à venir.

Je vous donne rendez-vous dans deux semaines pour un nouvel article consacré aux margimots.

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